25 janvier 2013
La belle affaire du crédit d’impôt compétitivité.
Selon une étude publiée hier par les Échos, cette mesure, qui coûtera 20 milliards d’euros à l’État, profitera à de grands groupes qui affichent de copieux profits, ne sont pas forcément exposés à la concurrence, et qui sabrent dans l’emploi.
CICE : comment ça marche Voté dans la loi de finances rectificative fin 2012, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi est censé concerner toutes les entreprises (mais pas, par exemple, les hôpitaux publics, qui ont protesté). Il constitue un crédit d’impôt égal à 4 % de leur masse salariale inférieure à 2,5 Smic en 2013. En 2014, il en représentera 6 %. Soit 20 milliards d’euros par an. Il sera financé par une hausse de la TVA et par 10 milliards d’économies sur les dépenses publiques. Les groupes publics en sont aussi bénéficiaires. En tête du classement fait hier par le journal les Échos, vient ainsi La Poste, qui bénéficiera de 270 millions d’euros au titre du Cice. Le groupe a réalisé en 2011 un bénéfice net de 478 millions d’euros. Et ces dix dernières années, selon un bilan syndical, il a supprimé quelque 80 000 emplois. Mérite-t-il une récompense fiscale ? Ou bien un contrôle digne de ce nom de l’usage qu’il fait de l’argent public ?
Dispositif vraiment favorable à l’emploi ? Ou bien prime aux entreprises qui dégraissent ? S’agit-il, comme le défend le premier ministre, d’« un plan pour l’investissement », d’un « appel vertueux à se relocaliser en France » ? Ou bien une bonne affaire mise à profit par les groupes pour satisfaire les attentes financières de leurs actionnaires ? Dès son adoption par le gouvernement, en novembre, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (Cice) avait soulevé de fortes interrogations. Rappelons qu’il va représenter un allégement de 20 milliards d’euros d’impôts. Une aide publique d’un montant sans précédent. Qui empochera le pactole ? Le journal les Échos publiait hier les résultats des calculs faits par les entreprises concernées ou par des analystes. Édifiants, ils sont de nature à légitimer et renforcer les critiques.
Au profit des secteurs peu exposés
Contrairement à l’argument souvent avancé selon lequel il s’agirait de soutenir les entreprises confrontées à la concurrence internationale, il apparaît que le Cice profitera à des secteurs peu exposés, telles la construction ou la grande distribution. Les géants du bâtiment Vinci, Bouygues et Eiffage figurent parmi les plus gros bénéficiaires, avec des enveloppes de Cice se situant entre 111 et 189 millions d’euros pour le premier, à 87 millions pour le second, et de 70 à 94 millions pour le troisième.
· Vinci a pourtant réalisé 1,9 milliard d’euros de bénéfices net en 2 011 et distribué un dividende en hausse.
· Bouygues affiche un profit à hauteur de 1,07 milliard d’euros
· Eiffage 263 millions.
« Les entreprises du BTP n’en croient pas leurs yeux ! Pour elles, c’est un pur effet d’aubaine, car il n’y a aucune chance qu’elles délocalisent leur activité », note un analyste.
Sanofi, 8,8 milliards d’euros de profits
Au-delà de ces groupes, on constate que nombre des heureux élus au Cice présentent un très bon état de santé financière et qu’ils ne se privent pas pour autant de tailler allègrement dans leurs effectifs. Alors qu’il persiste à vouloir fermer deux hauts-fourneaux à Florange, un choix peu probant en termes... d’investissement, ArcelorMittal encaissera 25 millions d’euros de Cice.
Un sommet est atteint dans le scandale avec le groupe pharmaceutique Sanofi. Grâce au Cice, le labo va pouvoir gonfler sa trésorerie de 47 millions d’euros, indiquent les Échos. Or, depuis des mois, il défraie la chronique pour avoir lancé un plan de restructuration qui pourrait entraîner la suppression de plus de 2000 emplois et qui prévoit, entre autres, la délocalisation en Inde de la production d’un vaccin. Dans le même temps, Sanofi, qui a réalisé 8,8 milliards d’euros de profits en 2011, affiche sans complexe sa volonté de régaler davantage ses actionnaires en portant les dividendes de 35 % à 50 % d’ici à 2014.
Sans discernement
C’est ce qui a conduit récemment la députée Front de gauche Jacqueline Fraysse à s’adresser au premier ministre. « On est en droit d’attendre (de l’État – NDLR) qu’il n’encourage pas ce genre de décisions, qu’il ne les accompagne pas par des aides publiques et des crédits d’impôts accordés sans discernement », écrit l’élue. Pour elle, il ne s’agit pas seulement, comme l’ont réclamé des députés socialistes, de conditionner le versement du futur crédit d’impôt à l’absence de suppressions d’emplois non justifiées par des réalités économiques, mais de demander des créations d’emplois en contrepartie du « versement de toute aide publique à une entreprise qui distribue des dividendes à ses actionnaires ». À tout le moins, l’étude publiée par les Échos devrait conduire à une remise en débat du Cice et accélérer une évaluation de l’ensemble des aides publiques (200 milliards d’euros environ) accordées aux entreprises.
09:24 Écrit par poutargue | Commentaires (0) | Lien permanent | Facebook |
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