23 septembre 2013
APRES LES ELECTIONS EN ALLEMAGNE... L'EDITO DE L'HUMANITE.
Edito: l’impasse Merkel
La chancelière va poursuivre une politique qui étouffe la croissance et généralise la concurrence entre salariés, estime Patrick Apel-Muller dans l'éditorial de l'Humanité de ce lundi.
Ce n’est pas une bonne nouvelle. La reconduction d’Angela Merkel comme chancelière va encore aggraver les maux dont souffre l’Union européenne. À la tête de la première puissance économique du continent, elle a consacré le règne des marchés financiers, brisé les solidarités éventuelles pour leur substituer l’égoïsme et le mépris du plus fort à l’égard de l’affaibli, alimenté les regains nationalistes et les replis identitaires. Si elle est aujourd'hui la première dirigeante européenne à se faire réélire depuis la crise de 2008, c’est qu’elle a fait croire à son peuple qu’elle lui avait évité le pire et qu’elle le protégeait des convoitises des paresseux qui se massent aux frontières sud de l’Allemagne. Le résultat de son parti, la CDU, lui permet d’envisager d’amplifier une politique qui étouffe la croissance et généralise la concurrence entre salariés de l’UE et du monde. Ce n’est pas non plus une bonne nouvelle pour les salariés allemands dont la situation se détériore et qui comptent une des plus fortes proportions de bas salaires d’Europe. C’est cela, le paradoxe allemand: des banques et des multinationales prospères font face à une population de plus en plus privée de droits sociaux.
Le modèle allemand est une imposture si on le juge du point de vue de son peuple. C’est d’ailleurs ce qui explique le très mauvais score des sociaux-démocrates. Ils sont à l’origine de la casse des garanties sociales permises par les réformes Hartz qui ont tant fait rêver Nicolas Sarkozy. Ils tentent bien aujourd'hui de réclamer quelques pansements sociaux mais leur passé plaide contre eux tout autant que leur soumission aux règles économiques inspirées par les marchés financiers. Leur espace s’est réduit à la définition du système formulée par Angela Merkel, la «Marktkonform Demokratie», la démocratie conforme au marché, qui exclut tout pas de côté, toute rébellion à l’égard de la loi du capital. La pensée unique comme horizon. Pacte fiscal, règle d’or et désormais traité transatlantique sont les deux piliers de cette dévaluation démocratique. Le SPD avait d’ailleurs renoncé à un réel changement de cap dès lors qu’il refusait toute alliance avec Die Linke, la gauche combative, sortie confortée hier des urnes. Si les conservateurs, privés semble-t-il de leur allié libéral, vont devoir gouverner dans le cadre d’une grande coalition, l’exercice ne leur fait pas vraiment peur ; leur précédente expérience, il y a quatre ans, a laminé le SPD, incapable de se distinguer.
Ce n’est décidément pas une bonne nouvelle. Pour les Français non plus. Renforcée par ce scrutin, la chancelière restera inflexible si les peuples ne s’en mêlent pas. François Hollande n’avait-il pas très vite renoncé à ses promesses électorales d’une réorientation de la politique européenne en faveur de la croissance et de l’emploi? Élu en juin 2012, il avait battu en retraite avant le mois de juillet de la même année! Les solidarités et la communauté d’actions entre syndicalistes français et allemands, entre salariés des deux rives du Rhin, entre progressistes des deux pays sont devenues une affaire de salut public. Les financiers de Francfort et de Paris jouent depuis longtemps à saute-frontière pour mettre les deux pays en coupe réglée.
10:04 Écrit par poutargue dans International | Commentaires (0) | Lien permanent | Facebook |
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