20 janvier 2011
Notre canton doit boire une eau publique, solidaire et équitable
Dans les années 1950, en France, le service public de l’eau était assuré à hauteur de 70% par des régies publiques communales ou intercommunales. Un demi-siècle plus tard, trois multinationales « françaises » de « services aux collectivités » (Véolia Eau, Lyonnaise des eaux, Saur) se partagent le marché de l’eau, sa production, sa distribution et son assainissement, à travers des délégations de service public. Comment en est-on arrivé là ? À l’évidence, l’évolution des exigences environnementales et sanitaires, la sévérité toujours plus grande des normes européennes, la complexité des problèmes techniques et comptables, l’augmentation des coûts et les risques d’endettement ont conduit nombre de communes à ne plus pouvoir assumer seules leurs obligations légales.
Les six communes de notre canton ont été intégrées à la Communauté urbaine de Marseille en 2001. C’est désormais cet établissement public qui gère l’eau et l’assainissement pour le compte des villes. Alors que de nombreux contrats de distribution de l’eau sont sur le point d’être renégociés ou déjà bien avancés, chaque collectivité est confrontée à un choix de gestion particulier pour un bien qui est reconnu « bien public de l’humanité ». La conception du service aux usagers, le coût pour la collectivité et les habitants sont souvent déterminants dans les choix adoptés.
L’eau est un bien commun, indispensable à la vie et pourtant elle n’est toujours pas un droit universel réel. Plus du tiers de la population mondiale n’a toujours pas accès à l’eau potable et surtout à un assainissement de base. Des millions d’êtres humains en meurent chaque année.
Dans notre pays, non seulement le prix à payer pour l’usage de l’eau et de l’assainissement est de plus en plus élevé, mais de surcroît il est complètement inégalitaire. Même sur le seul territoire de Marseille Provence Métropole, il varie de 1,23 € à 3,69 € le m3 suivant le mode de gestion public ou privé et la commune habitée, Gignac se situant à 3,21€, Le Rove est à 3,69 €, Sausset est à 3,47 €, Carry est à 3,33 €, Ensuès est à 3,4 € et Châteauneuf est à 3,22 €, et ces villes ne sont pas concernées par la « non augmentation de 5% des tarifs pour cinq communes dont Marseille » annoncée par la SEM. La Communauté Urbaine doit à faire un choix de gestion des services publics de l’eau et de l’assainissement. C'est urgent car les contrats arrivent à terme au 1er janvier 2014 pour Gignac, et au 31 juillet 2011 pour Châteauneuf. Dès maintenant c’est l’occasion de construire une logique de réappropriation publique et citoyenne, d’égalité tarifaire et de péréquation solidaire pour les plus démunis, à partir du savoir-faire des personnels en place et de la qualité de l’outil technique d’aujourd’hui, pour restituer l’eau comme une ressource qui ne doit plus être une marchandise comme d’autres. Nous souhaitons que la Communauté Urbaine fasse le choix d’une gestion publique pour le réseau d’eau et d’assainissement et ce pour toutes les communes et non pas seulement pour Marseille. Et à commencer par notre canton. C’est pourquoi nous serons le porte-parole des habitants de la Côte bleue, aux côtés des Conseils municipaux pour dès le 27 mars exiger de la Communauté urbaine qu’elle fasse un choix juste, équitable et solidaire pour que dans les mois qui viennent nous buvions une eau publique.
Ce choix est renforcé par deux données fondamentales :
1-Le marché de l’eau atteint en France un chiffre d’affaires de 15 Milliards d’euros qui génèrent de substantiels bénéfices pour les actionnaires des deux ou trois grands groupes privés qui se partagent 80% du marché. Autrement dit l’eau est devenue une marchandise. C’est ce que confirment d’une année sur l’autre, les 10 à 15 M€ de bénéfices nets qui vont aux actionnaires du Groupe des Eaux de Marseille et des autres délégataires du service public.
2-La loi sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA) adoptée en 2006 stipule dans son article 1 que : “l’usage de l’eau appartient à tous et chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d’accéder à l’eau potable dans les conditions économiquement acceptables par tous”. Il faut maintenant, partout en France, passer à son application, notamment en matière de tarification.
3- Le poids de la charge de l’eau dans le budget des ménages est inversement proportionnel à l’échelle des revenus : moins de 1% pour les plus riches, jusqu’à 10% pour les plus démunis et nous savons qu’ils sont très nombreux sur le canton. À l’exception de deux communes en régie publique dont les tarifs sont au plus bas (Gémenos à 1,23€ et Plan de Cuques à 2,20€), la production et la gestion de l’eau et de l’assainissement est depuis des décennies déléguée au privé, bien que les installations, les réseaux et les investissements soient partout financés à 100% par la collectivité.
4- Bien évidemment, domestiquer l’eau a un coût. Mais parce que c’est une ressource vitale qui doit devenir universelle il n’y a plus de raison d’y ajouter la rémunération d’un actionnaire, quel qu’il soit. L’obligation légale de décroiser les actionnaires délégataires vient de démontrer dans notre département, qu’il n’y a pas d’obstacle technique ou juridique au changement de gestionnaire, donc au retour au public. Cela peut se faire sous forme de régie, mais cela peut se faire aussi sous la forme d’une Société Publique Locale, comme vient de le décider la Communauté Urbaine de Brest Métropole Océane. C’est une question de volonté politique et de construction partagée avec tous les acteurs professionnels, sociaux et institutionnels concernés dans le cadre d’une réflexion départementale et régionale. Nous inscrivons ce choix dans la perspective de la proposition de loi « visant à mettre en œuvre le droit à l’eau », déposée le 27 novembre 2009 par les députés communistes et du parti de gauche, ainsi que la construction d’un service public national et décentralisé, d’une Maison régionale de l’eau.
Alain Croce
17:01 Écrit par poutargue dans Alain a écrit | Commentaires (0) | Lien permanent | Facebook |
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